La force du réseau

Cyclôme : l’alternative éthique clermontoise aux grandes plateformes de la Foodtech

23 03 2021

Interview avec Alexandre Raymond, co-porteur du projet Cyclôme

Cyclôme est un projet d’une future Scop de livraison de repas à domicile qui a pour but d’offrir une alternative aux grandes plateformes de la Foodtech. Basé à Clermont-Ferrand, le projet est porté par Arthur et Alexandre, et prend vite de l’ampleur : l’équipe a déjà une dizaine de bénévoles et beaucoup d’ambition. Tout commence il y a un an quand Arthur prend connaissance de l’existence de la fédération CoopCycle qui regroupe les coopératives indépendantes de livraison à vélo de France et du monde. Six mois plus tard, il recherche un associé et Alexandre le rejoint dans le montage du projet Cyclôme.

Equipe Cyclome
De gauche à droite : Arthur, Alexandre, Sophia, Pascal et Philippe

Qu’est-ce qui t’a poussé à rejoindre Arthur dans ce projet d’innovation sociale ?

Je suis un cycliste passionné depuis toujours, je n’ai jamais quitté mon vélo ! C’est plus qu’un sport - c’est un art de vivre, un antidépresseur. Je suis notamment sensible aux enjeux portés par le projet, économiques, sociaux, et écologiques. En plus, Clermont-Ferrand est ma ville de cœur ! Et aussi, cette idée d’aller chez les gens pour leur apporter leur repas, c’est quelque chose qui me tient à cœur parce que j’aime beaucoup le contact avec les gens ! Donc beaucoup de choses fondamentales m’attirent dans le projet. Quand j’ai vu son annonce il y a six mois, je me suis dit que c’était une opportunité extraordinaire de vivre de ma passion et d’apporter des valeurs dans mon boulot !

Pourrais-tu nous parler un peu plus de la réalité de la FoodTech aujourd’hui ?

Le besoin social vient du fait que la Foodtech est monopolisée par les géants du numérique. Ce ne sont pas des plateformes logistiques, mais juste des géants du numérique qui enrichissent des actionnaires à l’étranger. Il y a clairement un manque de synergie entre les 3 acteurs de la FoodTech : restaurateurs, consommateurs et livreurs. Par conséquence, ce modèle soulève plusieurs problématiques et des besoins sociaux et environnementaux qu’on voudrait couvrir à travers notre projet.

Quels sont ces besoins sociaux et environnementaux visés par le projet ?

D’abord, les livreurs ne sont payés qu’à la tâche, avec des statuts d’autoentrepreneurs. C’est une manière pour les géants du numérique de ne pas payer de cotisations patronales. En fait, la FoodTech leur vend un rêve : vous travaillez quand vous le souhaitez, c’est de l’argent facile, mais en réalité, il n’y a que les inconvénients du statut d’autoentrepreneur. Il n’y a aucun salaire indirect, aucune couverture sociale et les livreurs ne sont pas protégés par le salariat. En parallèle, il y a aussi le marché de comptes UberEats loués aux mineurs sans papiers qui gagnent autour de 300€ par mois. Cela encourage une main d’œuvre toujours moins chère. Au niveau des droits du travail, on fait complétement marche- arrière !

C’est important de soulever également le gros problème écologique : souvenez-vous, au départ ils étaient presque tous à vélo et maintenant ils sont de plus en plus à scooteurs et en voitures !

Du côté des restaurateurs, les plateformes leur imposent des prix exorbitants, et surtout, pendant cette période de crise, ils sont contraints de l’accepter sans aucune marge de négociation et sans interlocuteurs locaux. Le système de ces plateformes soulève beaucoup de problèmes économiques, sociaux et écologiques !

Donc quelles sont les solutions proposées par Cyclôme face à cette réalité ?

On veut proposer une alternative, contrer un peu les monopoles de l’ubérisation des marchés. Donc, le gros enjeu est d’avoir des salariés-livreurs, payés à l’heure quel que soit le nombre de commandes. Cela permet d’avoir une vraie qualité de service derrière, d’être courtois avec le client, d’être un petit peu comme un prolongement du service du restaurateur. De plus, nous voudrions mutualiser le matériel du livreur : lui fournir un sac, un smartphone et un vélo.

Equipe Cyclome

Notre objectif est de créer un vrai partenariat avec les restaurateurs au-delà de la simple prestation du service. On voudrait être à l’écoute des besoins de nos restaurants-partenaires, ouvrir des discussions et leur proposer des tarifs adaptés à leurs besoins. Pour aller plus loin, pourquoi pas mettre en pratique leurs idées et leurs rêves ! Par exemple, un partenaire voulait mettre en place un nouveau service : la livraison brunch tous les dimanches. Nous lui avons naturellement répondu : « bien sûr, on te suit et on développe ça ! »

Nous voudrions aussi mettre en place un vrai interlocuteur local qui assurera le lien entre les 3 acteurs principaux et pourra intervenir en cas de problème. Cela va apporter une vraie dimension humaine dans le service !

Un de nos gros enjeux est notamment d’introduire un nouveau type de service qui vise à changer les modes de consommation. « Le service traiteur » est une livraison « anticipée », adaptée à la production de chaque restaurant et aux besoins de la clientèle afin de lui proposer le prix le plus juste et encourager la précommande pour les "gros paniers" ! Donc plutôt que de commander pour tout de suite dans son coin et de faire déplacer un livreur à 5 km pour un kebab, on encourage les gens à planifier leur livraison et si possible à commander en groupe.

A quelle étape de votre projet en êtes-vous actuellement et quelles sont vos ambitions ?

En ce moment, nous bénéficions de l’accompagnement d’Alter’Incub Auvergne-Rhône-Alpes. Cela nous apporte un regard plus neutre sur notre projet, du recul et un soutien technique et psychologique. On a toute la structure et l’écosystème d’Alter’Incub à nos côtés. C’est très rassurant et formateur !

Et comme Alter’Incub est porté par l’Union régionale des Scop, l’enjeu pour nous est de basculer en Scop dès qu’on le pourra ! Dans le modèle Scop, chacun prend part dans les décisions, les bénéfices sont réinjectés dans l’entreprise et redistribués sur les salariés-associés, et ça permet aussi de casser en partie ce modèle hiérarchique et pyramidale. On pense que c’est très important que les travailleurs reprennent un peu la maîtrise de leur activité et aient envie de s’investir !

Notre but est de créer une entreprise locale, de travailler avec des restaurateurs clermontois qui partagent nos valeurs et de montrer qu’il y a un grand avenir pour la livraison à vélo : plus on est nombreux à vélo, plus ça pourrait influencer de façon positive les politiques d’aménagement urbain !

Equipe CyclomeCrédits photos : Dimitri Bérard

Alexandre

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